Le Parlement européen reconnaît l’esclavage comme « crime contre l’humanité »

Ce vendredi 19 juin le Parlement européen a adopté à une large majorité une résolution symbolique dans laquelle elle reconnaît l’esclavage comme « crime contre l’humanité ».

Cette proposition, portée par l’eurodéputé réunionnais, Younous Omargee, a été intégrée à la résolution sur les manifestations contre le racisme après la mort de Georges Floyd.

« Nous devons voir que cet événement renvoie à des siècles de domination des Noirs aux Etats-Unis et d’inégalité des conditions en Europe. Gardons à l’esprit que notre histoire européenne a toujours oscillé, comme une pendule, entre la barbarie et la civilisation. Que c’est en Europe, malgré la raison, malgré les Lumières, que les pires théories de hiérarchisation des races sont nées pour justifier les conquêtes, pour justifier l’esclavage, pour justifier la colonisation et pour justifier l’Holocauste. » a déclaré Younous Omargee dans son discours devant le Parlement européen.

Voici le texte adopté :
« Le Parlement européen invite les institutions et les États membres de l’Union européenne à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires et les personnes de couleur ; déclare que la traite des esclaves est un crime contre l’humanité et demande que le 2 décembre soit désigné Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves ; encourage les États membres à inscrire l’histoire des personnes noires et des personnes de couleur dans leurs programmes scolaires. »

En France, c’est le 21 mai 2001 que la traite et l’esclavage ont été reconnus comme crime contre l’humanité au travers de la loi Taubira, du nom de la députée guyanaise Christiane Taubira qui était à l’origine de la proposition de loi, avant d’en être la rapporteure à l’Assemblée nationale.

Le Parlement européen a également proclamé dans sa résolution, adoptée par 493 voix pour, 104 contre et 67 abstentions que « la vie des Noirs compte », reprenant à son compte le mot d’ordre « Black Lives Matter » du mouvement mondial parti des Etats-Unis contre le racisme et les violences policières.

Dans son texte, le Parlement « condamne vivement la mort effroyable de George Floyd aux Etats-Unis, ainsi que les meurtres similaires ailleurs dans le monde ». Il affiche son soutien aux récentes manifestations contre le racisme et la discrimination et condamne le « suprémacisme blanc sous toutes ses formes ».

En savoir plus

Regards croisés sur l’esclavage

UNE PUBLICATION DE RÉFÉRENCE
SUR L’ESCLAVAGE À BOURBON/LA RÉUNION

En 1998, à l’occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, les Archives et la Bibliothèque départementales, les musées Léon Dierx et de Villèle présentaient une grande exposition accompagnée d’un important catalogue valorisant des documents patrimoniaux inédits témoignant de la période esclavagiste sur l’île. Vingt ans plus tard, le Conseil départemental réédite l’ouvrage augmenté de mises au point scientifiques permettant de prendre la mesure du chemin parcouru ainsi que des enjeux restant à relever pour assumer collectivement cette histoire partagée.

Découvrir le sommaire de l’ouvrage

Galerie de portraits

UNE EXPOSITION DES TRAVAUX DES COLLÉGIENS DE LA RÉUNION SCÉNOGRAPHIÉE PAR LIONEL LAURET

En 2018, dans le cadre du 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, en partenariat avec le Conseil départemental et l’Académie de La Réunion, fut organisé un concours s’inscrivant dans le parcours citoyen de l’élève. À partir du nom d’un(e) esclave figurant dans le testament de Mme Desbassayns, les collégiens étaient invités à faire le portrait d’un ou de plusieurs esclaves. 85 collèges publics et privés participèrent à l’événement et une exposition collective de leurs travaux fut présentée au musée de Villèle.

23 mai,
journée d’hommage national aux victimes de l’esclavage colonial

Le 23 mai 1998 une marche silencieuse de 40 000 personnes, composées majoritairement de Guadeloupéens, de Martiniquais, de Guyanais et de Réunionnais, s’est déroulée à Paris entre la place de la République et la place de la Nation lors du cent-cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848.

Contrairement au discours officiel prôné jusque-là par l’Etat français, à savoir la mise en avant des abolitionnistes métropolitains attachés à cette cause, les marcheurs du 23 mai célébrèrent d’abord la mémoire de leurs ancêtres « esclavisés » pendant plusieurs siècles dans les territoires ultramarins français. De ce mouvement historique, le Comité de la marche du 23 mai 98 (CM98) est fondé fin novembre 1999 en ayant pour ambition de faire reconnaître officiellement les traites négrières et les esclavages dans les colonies françaises comme crime contre l’humanité. Le principe est consacré par la loi du 21 mai 2001. La commémoration annuelle du 23 mai, journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage, est quant à elle introduite officiellement par la circulaire du 29 avril 2008. Elle a été confirmée, comme la commémoration du 10 mai, par la loi du 27 février 2017.

Moins médiatisée que la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions du 10 mai, la commémoration du 23 mai fait néanmoins depuis 20 ans l’objet de manifestation un peu partout en France Hexagonale ou en Outre-mer. Les manifestations, impulsées et organisées par des associations mémorielles en partenariat avec les collectivités locales, associent généralement un moment de recueillement autour d’une stèle édifiée à cet effet et un temps d’expressions culturelles. A titre d’exemple, le 23 mai 2015 près de 30000 personnes se sont retrouvés place de la République à Paris autour des tableaux généalogiques réalisés par les militants du CM98 et un grand concert de gwoka, de bélé et de maloya.

Afin de marquer les 20 ans de la marche, la commémoration nationale du 23 mai 2018, organisée par le Comité National pour l’Histoire et la Mémoire de l’Esclavage (CNMHE), s’est déroulée au ministère des Outre-mer en présence de Mme Annick Girardin, ministre des Outre-Mer et de M. Jean Marc Ayrault, ancien Premier ministre et président du GIP de la Mission de la mémoire de l’esclavage et des traites et de leurs abolitions. Animé par M. Frédéric Régent, président du CNMHE, la cérémonie a débuté par la plantation d’un « arbre de la liberté » dans la cour du ministère des Outre-mer en présence des personnes invitées pour l’occasion, puis par la remise du prix de thèse et par une table ronde sur le thème Les descendants d’esclaves sont-ils encore victimes de l’esclavage ?

Pour cette année 2020, mesures de déconfinnement de rigueur, la commémoration nationale du 23 mai sera consacrée par un dépôt de gerbe et un moment de recueillement devant la stèle dédiée aux victimes de l’esclavage colonial réalisée par le sculpteur Nicolas Cesbron, place Victor Hugo de la commune de Saint-Denis (93) en présence entre autre de Mme Annick Girardin, ministre des Outre-mer, M. Laurent Russier, maire de Saint-Denis, M. Serge Romana, président de la Fondation Esclavage et Réconciliation, M. Emmanuel Gordien, président du CM98.

Bruno Maillard / Docteur en Histoire
Chercheur associé au Laboratoire CRESOI de l’Université de La Réunion
Chargé d’enseignement vacataire à l’Université de Paris Est Créteil
Membre du conseil scientifique de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage