Un article rédigé par Albert JAUZE, historien
Les testaments que Madame Desbassayns rédige en 1807 et en 1845 sont avant tout une affaire privée. Les étudier est d’autant plus pertinent qu’ils révèlent des aspects de la société coloniale du XIXe siècle liés à un personnage emblématique. Les 2 actes sont indépendants l’un de l’autre.
En 1807, elle acte en faveur de ses esclaves méritants. Bien que n’étant pas émancipés, ils reçoivent à titre viager, des terres, cases, et pensions. Elle leur donne même des esclaves pour les servir. Certains pourront choisir leur maître.
En 1845, elle dispose de ses biens en faveur de ses descendants.
La masse est de plus de 1,6 million de F. La main d’œuvre servile en représente une part importante. Ses nombreux terrains de Saint-Paul, Saint-Gilles, du Bernica sont mesurés, décrits avec leurs édifices, établissements de sucrerie, pompes à vapeur, machine hydraulique, bêtes de trait, etc.
Saint-Gilles, l’habitation la plus opulente, partagée en nombreuses portions, fait plus de 316 ha. Bernica mesure plus de 200 ha. Les terres portent les cannes, les cultures vivrières et les pâturages. À Saint-Paul, figurent des terrains d’emplacement (portant des maisons), une rizière, des terres à cannes et à vivres.
Avec 406 esclaves se répartissant sur ses propriétés, Madame Desbassayns se classe au premier rang des possédants. La plupart des hommes et des femmes de la classe servile sont attachés à la terre. Certains ont des attributions spécifiques (domestiques, cuisiniers, infirmière, sages-femmes…). La grande majorité, créoles de leur état, portent un prénom conventionnel (chrétien).
La chapelle édifiée sur sa propriété de Saint-Gilles est l’objet de ses sollicitudes. Des messes perpétuelles y seront célébrées, les pauvres et esclaves reçus gratuitement.
Le second testament ne décrit pas les intérieurs (ameublement, argenterie, etc.). Il faut s’en remettre à son inventaire après décès du 23 mars 1846.
Le lecteur pourra retrouver des toponymes familiers dans le testament de 1845, ceux-ci ayant perduré jusqu’à nos jours.