10 mai 2024. À l’occasion de la 19e Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions et en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le musée historique de Villèle met à l’honneur « le Fusil de François Mussard ».
Cette arme est considérée comme le fameux fusil offert par le Roi Louis XV à François Mussard, célèbre chasseur d’esclaves de l’île Bourbon, en remerciement de ses services. Pour encourager la chasse aux esclaves fugitifs, la Compagnie des Indes n’hésite pas en effet à offrir de prestigieux cadeaux au nom du Roi de France.
En 1754, François Mussard, le plus célèbre des chasseurs d’esclaves « marons » et chef d’un détachement, reçoit, comme témoignage de satisfaction de la part de la Compagnie des Indes, un fusil et une paire de pistolets garnis en argent aux armes de la Compagnie.
Au XVIIIe siècle, le mécanisme à silex des fusils rend l’opération de tir assez compliquée et seuls les meilleurs chasseurs pouvaient tirer et recharger plusieurs fois sans cesser de courir derrière les esclaves fugitifs.
Après examen du fusil, il apparaît que la mise à feu de cette arme ne fait pas appel à une platine à silex mais à un système à capsule dit à percussion, plus récent, inventé en 1807 (date du dépôt de brevet) : le chien vient frapper une capsule de fulminate de mercure, 1ère amorce réagissant au choc…
Cependant, on voit nettement que la platine est prévue pour recevoir un système à silex (trous à l’avant) et que le bassinet a été découpé pour y monter à la place une cheminée. Cette modification, effectuée après l’apparition des platines à capsule et comme le furent de très nombreuses armes au début du XIXe siècle ayant continué à servir après, ne remet pas en cause la datation du fusil et le lien avec son ancien propriétaire.
« Fusil de Mussard, passeur de mémoire »
Exposition à l’étage du Musée de Villèle jusqu’au 20 décembre 2024
« Servant à la chasse d’animaux le fusil est dans un premier temps un objet de chasse. Par la suite, il devient un objet « passeur de mémoire » dû au massacre des esclaves causés à l’époque. »
En 2023, dans le cadre du dispositif « la classe, l’œuvre ! », le fusil de François Mussard est devenu le point de départ du projet des élèves du lycée professionnel François de Mahy de Saint-Pierre (La Réunion).
Lors de la Nuit Européenne des Musées, les élèves de première BAC PRO AMA Communication visuelle et plurimédia ont présenté, à l’étage du musée, une interprétation graphique autour de cet objet patrimonial.
Ils ont conçu et réalisé une fresque sur la confusion entre l’homme et l’animal, le gibier et l’esclave, créant ainsi des chimères. Ils ont également représenté les plantes cultivées par les esclaves à partir du XVIIe siècle, telles que le coton, le café et la canne à sucre.
AUTO-PORTRAIT DE FRANÇOIS MUSSARD
Réalisé par un élève du lycée François de Mahy
Connu sous mon seul patronyme, Mussard, mon prénom François ne fait qu’ajouter à la peur que j’inspire. Je suis né le 25 novembre 1718 à Argenteuil. Fils de colon.
Je suis le célèbre chasseur d’esclaves en fuite sur l’Île Bourbon. On m’attribue la « purge » quasi totale des cirques de ses campements d’évadés et la légende veut que je me sois personnellement chargé d’exécuter leurs plus grands chefs, dont Mafate et Cimendef. Dès le XVIIIe siècle, des esclaves commencent à échapper à leurs maîtres pour se réfugier dans les hauts, où ils s’organisent en véritable campement. Mais bien souvent, ils sont obligés de redescendre dans les bas afin de voler des bêtes, des armes, ou même des femmes esclaves. Excédés par ces descentes intempestives, les propriétaires offrent alors de fortes récompenses à qui les débusquera et les tuera. Avec mes hommes nous organisons des expéditions punitives très efficaces pour les débusquer. Je ne suis pas le seul chasseur mais mes hommes et moi-même sommes connus pourotre ténacité. On m’appelle « l’infatigable » et on me prête la funeste qualité de pouvoir recharger mon fusil tout en continuant à courir. Je n’ai pas attendu les ordres officiels pour organiser mes milices, je figure donc parmi les plus aguerris à cette tâche. À partir de 1744 elle sera rémunérée.
La Compagnie des Indes me récompensa en 1754 en m’offrant un magnifique fusil ainsi que de deux pistolets à la crosse en argent.
Quand le fugitif est repris vivant, je suis sans pitié et conforme à l’article 38 du Code noir datant de 1724 dans sa version réunionnaise.
Le fouet, une oreille coupée et une fleur de lys tatouée à la première incartade, une seconde fleur de lys et le tendon d’Achille sectionné à la deuxième, la pendaison ou la roue à la troisième.
« Explorateur des Hauts », j’ai laissé mon nom à plusieurs entités géographiques remarquables, parmi lesquelles la caverne Mussard, située à environ 2 150 mètres d’altitude au coeur du Piton des Neiges.