Le 20 décembre 1848, plus de 60 000 esclaves deviennent libres à l’issue du discours du Commissaire de La République Joseph Napoléon Sarda-Garriga sur la Place du Gouvernement à Saint-Denis. L’artiste Alphonse Garreau, installé dans l’île à cette époque, réalise un an plus tard un tableau rappelant cet évènement, connu aujourd’hui sous le nom d’Allégorie de l’abolition de l’esclavage à La Réunion.
La vision de cet artiste est celle du pouvoir, celle de l’ordre et du travail. Le sujet principal est Sarda-Garriga. Le message du tableau est clair : la liberté est soumise à l’obligation de travailler. Dans cette œuvre dans laquelle la parole n’est pas laissée à la foule des anciens esclaves totalement anonyme.
Revoir « L’Allégorie… » en rendant présents ces esclaves c’est élargir le sens donné à ce tableau chargé d’histoire. Ainsi le projet du musée Léon Dierx est de mêler histoire et art contemporain.
Dissiper la brûme, l’installation de l’artiste Mathilde Fossy créée pour cette exposition offre la possibilité d’un cheminement dans les méandres de l’histoire. Les noms donnés aux esclaves en 1848, au cœur de la proposition artistique, font écho au tableau de Garreau et entrent en résonance avec les patronymes du temps présent, comme une nouvelle allégorie prenant en compte de la temporalité des 170 ans qui viennent de s’écouler.
La première rassemble des lithographies et gravures issues des collections des institutions culturelles du Département en lien avec la dénonciation du commerce des esclaves et du système servile dans les colonies. Des gravures de la fin du XVIIIe siècle tirées des ouvrages des intellectuels du siècle des Lumières aux gravures en lien avec la première abolition de 1794, des nombreuses estampes critiquant la traite durant la première moitié du XIXe siècle aux tableaux emblématiques commémorant la fin de l’esclavage en Angleterre et en France, le visiteur suit à travers une sélection d’œuvres originales et de reproductions l’évolution historique du discours et sa transcription par les artistes.
Une seconde section s’attache aux événements qui se déroulent à La Réunion en 1847-1848 à travers le témoignage artistique de deux artistes présents dans l’île à cette époque : Antoine Louis Roussin (1819-1894) et Adolphe Potémont (1828-1883). A travers leurs lithographies, le plus souvent satyriques, ils attestent de la fin de l’esclavage, de l’abolition et des réactions de la population face à cet évènement historique durant ces quelques mois qui bouleversent l’histoire de La Réunion. C’est dans cette partie que se trouve le tableau d’Alphonse Garreau, Allégorie de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, conservé au Musée du Quai Branly Jacques Chirac, qui revient à La Réunion 170 ans après sa création.
Dans une troisième partie, l’œuvre de Mathilde Fossy, Dissiper la brume, permet d’aller au-delà du tableau. L’installation invite les visiteurs à déambuler dans un espace rythmés de feuilles de plexiglas. Sur ces panneaux sont inscrits les noms des affranchis de 1848 qui forment une foule symbolique. Le cheminement entre les noms représente aussi un mouvement allant du passé au présent dans lequel s’inscrit chacun d’entre nous. Le choix de cette matière transparente, reflète enfin le souhait de mettre à nu, de mettre à jour la vérité de cet évènement, de clarifier la situation.