En 1817, à l’île Bourbon/La Réunion, l’esclave Furcy, âgé de trente et un ans, engage auprès du tribunal d’instance de Saint-Denis une procédure contre son maître Joseph Lory.
Il conteste son statut d’esclave et revendique son ingénuité, c’est-à-dire sa liberté de naissance.
Aidé de sa sœur Constance Jean-Baptiste, libre, de Louis Gilbert-Boucher, procureur général près de la Cour royale de Bourbon en 1817, et de Jacques Sully-Brunet, jeune avocat et conseiller-auditeur à la cour royale de Bourbon, il se lance dans un long combat contre la justice coloniale qui le mènera en prison à Bourbon, en exil à l’île Maurice en tant qu’esclave puis affranchi et enfin devant les tribunaux de France.
Ce procès, qui durera vingt-sept ans, trouvera son dénouement le 23 décembre 1843 devant la Cour royale de Paris : « Furcy est né en état de liberté et d’ingénuité ».
L’exposition est l’aboutissement des travaux de recherche menés par l’anthropologue et historien Gilles Gérard qui en a écrit le scénario.
Elle s’appuie également sur les travaux de Sue Peabody, historienne et universitaire américaine, auteure de Madeleine’s Children : Family, Freedom, Secrets, and Lies in France’s Indian Ocean Colonies et du chercheur Jérémy Boutier, auteur d’une thèse sur La question de l’assimilation politico-juridique de La Réunion à la métropole, 1815-1906 (Université d’Aix-Marseille) et de plusieurs articles sur Furcy.
L’exposition a pour ambition, à partir des sources disponibles, de donner à connaître la vie de Furcy, dans sa dimension singulière, prodigieuse et complexe, quitte à rétablir des faits et à briser quelques a priori : il n’a pas été un militant abolitionniste, il possèdera lui aussi des esclaves et finira ses jours dans une relative opulence
Elle a aussi pour objet de replacer l’étrange histoire de Furcy dans le contexte des sociétés coloniales de Bourbon et de Maurice et de mettre en lumière une représentation de Furcy, souvent déformée, dans la mémoire collective.
Le parcours de visite est rythmé par les différents événements de ce combat juridique de 27 années : abus de pouvoir, faux documents, pressions exercées sur Furcy et sur sa famille…
Des pièces d’archives pour chacune des quatre sections de l’exposition, sont mises en avant pour étayer le propos des historiens et des fiches de salle sont consultables pour approfondir des notions ou des faits.
Traité en parallèle, un second parcours intitulé Furcy aujourd’hui, un dispositif d’écrans diffuse des interviews des nombreux artistes qui se sont emparés ces dernières années de l’histoire de Furcy.
Les personnages créés par le dessinateur Sébastien Sailly sous forme de silhouettes, sont présents dans toutes les salles pour aider le visiteur à resituer tous les protagonistes du récit dont la trame se déroule entre l’Inde, Bourbon, Maurice et la France : Furcy dont aucune représentation n’est connue à ce jour, sa sœur Constance, Libre de couleur, sa mère Madeleine née à Chandernagor, Philippe Desbassayns de Richemont, fils d’Ombline Desbassayns, le procureur Boucher, Joseph Lory, maître de Furcy…
Des personnages, des lieux, des documents perdus et retrouvés, des documents maquillés : tous les éléments sont en place pour dévoiler au visiteur cette étrange histoire.
A La Réunion, si l’histoire de Furcy nous est révélée par les travaux de l’historien Hubert Gerbeau en 1990, c’est cependant grâce à Sophie Bazin et Johary Ravaloson (alias Arius et Mary Batiskaf), et leur création Liberté Plastik en 1998 que Furcy est devenu un symbole de la lutte pour la liberté.
La publication du livre de Mohammed Aïssaoui, L’affaire de l’esclave Furcy, (Prix Renaudot 2010), est un autre élément à prendre en compte pour comprendre l’apparition dans les années 2000 du mouvement collectif Libèr nout’ Furcy, et l’émergence de diverses créations d’artistes d’ici et d’ailleurs : les pièces de théâtre d’Hassane Kouyaté, L’affaire de l’esclave Furcy, de Francky Lauret et Erick Isana, Fer6, l’ébauche d’un film d’animation de Laurent Médéa, la chanson L’or de Furcy du musicien Kaf Malbar, ou bien encore la sculpture de Marco Ah Kiem au Barachois à Saint-Denis.
De mai 1998 à mai 1999, Arius et Mary Batiskaf (de leurs véritables noms Sophie Bazin et Johary Ravaloson) a porté tout autour de l’île de La Réunion une reconstitution de procès, performance pour des acteurs de circonstance, mise en cage dans une installation itinérante pour dix lieux d’accueil. Une centaine d’acteurs ont fait revivre ce premier procès imaginé et écrit par Johary Ravaloson.
150 ans après l’abolition de l’esclavage, l’histoire de ce Furcy a mis en l’air un héros positif, et en évidence des rapports de force pas toujours clairs.
L’affaire de l’esclave Furcy est un essai historique de l’écrivain et journaliste français Mohammed Aïssaoui paru en 2010 chez Gallimard. L’ouvrage a reçu de nombreuses récompenses, parmi lesquelles le prix Renaudot de l’essai historique 2010 et le prix RFO du livre 2010.
C’est le récit romancé de Mohammed Aïssaoui qui a révélé au grand public l’histoire de l’esclave Furcy et de son combat pour la liberté.
« Hassane K. Kouyaté conte l’affaire et les recherches menées par le journaliste Mohammed Aïssaoui. Comédien, il interprète tour à tour les personnages de cette étonnante affaire dans une mise en scène dépouillée et efficace ». (Jeune Afrique)
Le chanteur Kaf Malbar originaire de la Cité Cow Boy du Chaudron (Saint-Denis, La Réunion) rend hommage au combat de Furcy dans une chanson. Sa popularité, notamment auprès des jeunes, a contribué à diffuser plus encore l’histoire de Furcy à La Réunion.
La société réunionnaise Tiktak Production a acquis les droits d’adaptation du livre l’affaire Furcy de Mohammed Aïssaoui. Réalisé par le metteur en scène Serge Élissalde en images réelles à La Réunion, les images ont été peintes en utilisant différentes techniques développées pour l’occasion. Le visage de Furcy est inspiré des traits du comédien Camille Bessière.
Le romancier Francky Lauret fait dialoguer Furcy avec d’autres esclaves dans une cellule de la prison de Saint-Denis Juliette Dodu. Seul sur scène, Érick Isana endosse le rôle de chacun des personnages.
Le sculpteur de l’Ilet Quinquina (commune de Sainte-Clotile, La Réunion), auteur de nombreuses œuvres autour de l’esclavage, célèbre la mémoire de Furcy par un ensemble sculpté installé au Barachois de Saint-Denis (La Réunion).
La recherche historique sur Furcy a progressé notamment grâce à l’achat en salle des ventes par le Conseil départemental en 2005, du « fonds Furcy », qui correspond en fait aux papiers de Louis Gilbert Boucher, procureur général de la cour royale de Bourbon, principal soutien de Furcy.
En savoir plus
L’étrange histoire de Furcy Madeleine : 1786-1856
Sous la direction scientifique de Jean Barbier et Jérémy Boutier
Textes de Gilles Gérard
Descriptif
Conçue comme un catalogue, mais se démarquant toutefois par son format de poche, cette publication reprend la version intégrale de l’exposition qui met en scène les grandes étapes de la vie tourmentée de Furcy. Elle s’appuie sur l’analyse de nombreux documents d’archives et les travaux scientifiques de Gilles Gérard, docteur en anthropologie et en histoire ainsi que les recherches de Sue Peabody, professeur de l’université de l’État de Washington (États-Unis) et de Jérémy Boutier, historien du droit.
Caractéristiques
Edition Musée historique de Villèle, 2020
Collection Patrimoniale Histoire
Nombre de pages 300
Dimensions 17,6 cm x 11 cm
Prix 12 euros
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